Comment faire taire les militants écolo ?
En s’appuyant sur la prochaine loi de programmation
militaire, la ministre de l’Intérieur prépare un décret qui criminaliserait les
contestations écolos et associatives.
La ministre de l'Intérieur, sur suggestion de l'Élysée et de quelques
parlementaires, prépare en secret un arrêté fondé sur un projet de loi signé du
Premier ministre et du ministre de la Défense, prêt depuis le mois d'octobre
2008. Il s'agit de la loi 1216 de programmation militaire pour 2009-2014 : un
texte plutôt banal s'il ne prévoyait, dans son article 5, de réorganiser et
de redéfinir tout ce qui touche à la sécurité intérieure. Ce qui, une fois
la loi votée, autorisera la publication d'un ou plusieurs décrets permettant
de poursuivre notamment les militants écologistes et associatifs lorsque, par
leurs actions, écrits ou propos, ils mettront en cause« les intérêts de l'État
». Dans ces « intérêts » seraient notamment inclus ce qui concerne les
centrales, les transports nucléaires et le stockage des déchets, mais aussi ce
qui touche aux installations industrielles et aux stockages classés « Seveso »,
qu'il s'agisse d'usines manipulant des substances dangereuses ou d'aires
abritant des cuves de produits chimiques. Ce texte aurait aussi comme
conséquence d'aggraver les peines encourues par les faucheurs d'OGM, car il
permettrait de poursuivre les
individus et les associations mettant en cause les intérêts économiques
stratégiques de la France.
Dans l'exposé des motifs de la loi, on trouve en effet ce paragraphe: « Les
attributions, déjà codifiées, des ministres de la Défense, de l'Intérieur, des
Affaires étrangères, de l'Économie et du Budget sont redéfinies en fonction des
différentes politiques qui entrent dans leur champ de compétence et concourent
à la stratégie de sécurité nationale. Au-delà de ces modifications, et dans le
prolongement des orientations du Livre blanc, des attributions particulières en
matière de sécurité nationale du ministre de la justice et des ministres
chargés de la Santé, de l'Environnement, des Transports, de l'Énergie et de
l'Industrie sont codifiées. »
Au nom de la sécurité nationale, le décret en préparation permettrait donc de
placer sous la protection de cette dernière toutes les actions et informations
liées, par exemple, à l'environnement et aux infrastructures contestées par
les associations de protecteurs de la nature et les organisations écologistes.
De la même façon, tout ce qui concerne le changement climatique pourra
entrer dans les informations classifiées interdites de divulgation. Classification
qui, d'une part, sera bien entendu à la discrétion souveraine du gouvernement
en place et qui, d'autre part, sera opposable à la fois aux militants, aux
associations et aux juges d'instruction. S'ils existent encore. Les écolos
ne sont bien sûr pas les seuls visés: ce texte à tout faire permettrait de
poursuivre tous les agissements « déviants ».
II deviendrait donc plus difficile d'exercer une contestation écologique. Ce
dispositif pourrait être complété dès l'automne par une circulaire ou un décret
- ce n'est pas encore décidé - qui compliquerait la tâche des citoyens et des
associations de protection de la nature voulant attaquer des décisions de
l'État et des collectivités territoriales devant les tribunaux administratifs. Les
élus se disent lassés des remises en cause de permis de construire ou des
tracés de routes. Depuis plusieurs années, les associations de maires demandent
au gouvernement une restriction de la contestation « administrative » pour abus
de pouvoir et non-respect des règles d'enquête publiques. En oubliant de
rappeler que le recours aux tribunaux administratifs est souvent la seule arme
des écologistes et des associations de protection de la nature.
Entre les possibilités de criminalisation de la contestation écologique et les
restrictions aux recours administratifs, si ces deux réformes entrent en
vigueur, l'écologie devrait peu à peu cesser de gêner le pouvoir. Pour
l'instant, il est encore, au moins, possible de l'écrire sans encourir le
risque d'être poursuivi... pour outrage au gouvernement.